Considéré dès le XVIIe siècle comme le fondateur de l’école française de peinture, Poussin est aujourd’hui célèbre pour ses tableaux austères, où la rigueur des lignes le dispute à la profondeur des sujets. Mais beaucoup ignorent que Poussin fut à son arrivée à Rome en 1624, et même dès avant, un peintre poète conteur de la toute-puissance de l’amour, du bonheur qu’il inspire et des souffrances qu’il inflige. Rares sont les peintres à avoir traduit avec une touche aussi libre et sensuelle et dans des compositions aussi audacieuses l’érotisme des corps, les plaisirs de l’ivresse et l’intensité des désirs. Rares sont ceux à avoir fait du thème de l’amour le fil conducteur de leur œuvre : Poussin s’y emploie depuis La Mort de Chioné de Lyon, son premier tableau connu, peint vers 1622, jusqu’à sa dernière peinture, l’Apollon amoureux de Daphné du Louvre, ultime méditation sur l’amour à l’heure de la mort.
Au fil de plus d’une cinquantaine d’œuvres, c’est à ce Poussin méconnu, voire interdit, que cet ouvrage rend hommage.
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« PICASSO rit malicieusement et sort la Bacchanale d’un carton : La voici Je l’ai peinte « d ’après Poussin » pendant les journées sanglantes de la Libération, au mois d’août… On tirait partout Les tanks ébranlaient la maison…
Je regarde la Bacchanale : un tourbillon de désir, un enchevêtrement de corps… Sur cette gouache aussi la bataille faisait rage. Tout en s’appuyant sur Poussin, Picasso, dans ces jours tragiques, a donné libre cours à son érotisme. Autour du faune barbu et de la nymphe au derrière rebondi, aux seins agressifs, c’est une mêlée, un corps à corps… Des mains et des pieds jaillissent de partout, appartenant on ne sait plus à quel corps […] »
BRASSAÏ, Conversation avec Picasso, Paris, [1964], 1969, p. 299 ; voir ici, p. 329.