Liseuse

In Fine éditions d'art

SABINE MONIRYS

Messieurs, il fait froid ici

Née à Oran le 10 décembre 1936, Sabine Monirys est autodidacte.
Au début des années 1960, « Sabine » (c’est ainsi qu’elle signe alors ses œuvres) réalise des peintures naïves ; une fillette s’y perd dans des décors déformés par les rêves. Elle fréquente le peintre chinois San-yu mais aussi Jan Voss, Cheval-Bertrand, Lourdes Castro, Roland Topor ou Guy de Cointet, qu’elle connaît depuis l’adolescence.
Mariée à Jacques Monory avec qui elle a un fils, Sabine se lie d’amitié avec le photographe Robert Frank qui vient de publier Les Américains. En dépit des aléas de leurs vies respectives, Robert Frank et Sabine ne cesseront de s’écrire et vivront une amitié de près d’un demi-siècle.
En 1967, Sabine rencontre Jérôme Savary et son Grand Magic Circus : ils tombent fous amoureux. Enceinte de son deuxième fils, elle devient l’héroïne du roman-photo Letizia que Savary imagine pour la revue Ali Baba, publiée à Milan. Elle collabore au Grand Magic Circus, illustre un livre pour enfants avec Jacques Prévert, un autre avec Roland Topor…
Dans l’atelier de la rue Santos-Dumont, dans le 15ème à Paris, où elle s’installe avec ses fils Antoine et Robinson en 1974, Sabine entame de grands tableaux qu’elle signe désormais « Sabine Monirys ». Sa peinture s’affirme, le tragique y côtoie une tendre ironie. Ses passions littéraires (Handke, Woolf, Bernhard, Walser…) affleurent dans le choix singulier des titres ou phrases, qu’elle recueille dans des carnets et appose à ses œuvres.
Elle présente une première exposition personnelle chez Fred Lanzenberg à Bruxelles en 1975 puis deux autres à Paris : galerie du Rhinocéros en 1976 et galerie Krief & Raymond en 1979.
Collaborant à diverses revues (Daily-Bul & Co, Sorcières…) et participant à nombre d’expositions collectives, le travail de Sabine Monirys est défendu par des critiques tels que Alain Jouffroy, Pierre Gaudibert, Gilbert Lascaut ou Olivier Kaepplin, ainsi que par la grande voix du Matin de Paris : Maïten Bouisset.
En 1977, Sabine Monirys participe à la Biennale de Saõ Paulo. De plus en plus maîtrisée, sa peinture observe la violence du monde, s’inspirant le plus souvent de photos de presse.
En 1980, elle expose à la Biennale de Venise. Seule femme française à avoir eu ce « privilège » entre 1970 et 1982, ce moment de « gloire » lui laisse un goût amer : un tableau intitulé Les Couteaux me terrifient est poignardé par un maniaque dans une des salles d’exposition.
En 1983, Sabine Monirys expose chez J. et J. Donguy à Paris. Elle emménage dans le 13ème à Paris où elle restera jusqu’à sa mort.
Entre 1976 et 1985, plusieurs œuvres emblématiques de Sabine Monirys intègrent les collections d’institutions telles que le MAM de Paris, le MAMC de Strasbourg, le Musée de Grenoble, le Centre National des Arts Plastiques, ainsi que d’importantes collections privées, en France et à l’étranger.
En 1986, Sabine Monirys opère un tournant. Elle peint des visages sur papier, qu’elle déchire pour n’en garder que les yeux puis lâche ces lambeaux dans une tempête de peinture. La toile est lacérée, grattée, froissée accueille parfois des débris qui viennent s’agréger au tableau. Elle expose ces œuvres sur papier galerie Hérold à Bruxelles en 1991.
À l’orée des années 1990, Sabine Monirys aborde la sculpture et le dessin. Elle barde des figurines de clous et d’éclats de verre (c’est la série « Les âmes barbelées ») et remplit des carnets de dessins rageurs. Ces dessins forment une fresque dans laquelle cauchemars et visions sexuelles ont pour contrepoint des phrases à l’humour grinçant glanées dans la presse du jour. Un livre auquel collabore l’écrivain Nicolas Vatimbella rassemble une partie de ces dessins sous le titre En vain l’azur ; il paraît en 2001 aux Éditions du Seuil.
Marquée par l’accident cérébral que subit son fils Antoine Monory en 2003, Sabine Monirys se tourne vers une forme de journal intime – mêlant plantes, herbes et pétales de fleurs séchées à des aphorismes ou pensées écrits au crayon, elle compose de minuscules cahiers qu’elle appelle des « herbiers ».
Avec le temps, les œuvres de Sabine Monirys deviennent plus drôles, plus libres et sur la fin plus paisibles, comme si l’artiste avait atteint, par-delà ses combats intimes, la sagesse à laquelle elle aspirait.
Sabine Monirys décède à Paris le 4 mars 2016.

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